la salle de Jeanne


学友の水原紫苑さんが西洋古典をめぐる文章を

フランス語で綴ります


10/30

Le dernier cours à Paris d’Ovide à Tokyo koten gakusha était très intéressant ! Le pauvre Actaion errant, a rencontré Diane en bain à la fontaine dans la forêt. Indignée, la déesse vierge lui jette de l’eau. Il va se métamorphoser en cerf et être dévoré par les chiens, innocent ?

10/20

< Rien est plus faible que les êtres humains de toutes les créatures de la terre > C’est la parole d’Ulysse déguisé en mendiant, après avoir battu le vrai mendiant Iros. Le cours d’Homère à notre école est toujours riche et profond !


10/15

Le cours d’Ovide à notre école est très animé comme d’habitude. Aujourd’hui le poète raconte le bain de Diane, de manière très pittoresques et qui suscite notre imagination au maximum. C’est pourquoi ses Métamorphoses restent la synthèse du mythe gréco-romain.

10/13

Le cours d’Homère à notre école en ligne est toujours riche et passionnant! Aujourd’hui Ulysse a battu le mendiant Iros, cependant il n’est pas fier de sa victoire, mais il s’occupe de celui-ci gentiment après le combat. Cette générosité nous montre qu’il est le vrai seigneur.


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<著者近著>

 

パリでも欠かさず受講したオンライン授業のことも出てきます!


* * *

La modernité de Phèdre de Sénèque


JEANNE SHION MIZUHARA

C’est  un petit essai sur la modernité de Phèdre de Sénèque. 

 

Cette tragédie romaine est quand même moins connue qu’Hippolyte d’Euripide , ou que Phèdre de Racine. J’avoue que je viens de la lire récemment et qu’elle m’a bien étonnée. 

 

Phèdre n’est pas une héroïne antique, mais une femme comme vous et comme moi, d’aujourd’hui. Elle n’obéit pas au destin des femmes , mais s’y révolte même avec une audace, ce qui est complètement différent de Phèdre d’Euripide et de Racine.

 

Sa parole commence par un long monologue, dans lequel elle se plaint  de sa situation abandonnée de son époux Thésée aux enfers,  pour les amours dés-honorants de son ami. Et elle raconte ses douleurs accablants secrets de sa part.

 

Elle ne veut plus ni faire l’offrande ni la prière au temple de déesse protectrice de ce pays, comme les autres femmes attiques. Elle a perdu sa foi. C’est un aveu effrayant pour une femme antique, surtout en tant que reine. 

 

À la place, elle a eu des délires pittoresques de la chasse. 

 

   iuuat excitatas consequi cursu feras

   et rigida molli gaesa iaculari manu.   110-111

   J’aime à suivre courant les fauves excitées.

   Et à lancer le javelot solide de ma main molle. 

( traduit par l’auteure faisant référence de la version bilingue des Belles Lettres ).

 

Mais elle se réveille de sa folie tout de suite.

 

   Quo tendis, anime? Quid furens saltus  amas?   112

   Où erres-tu, mon âme? Pourquoi aimes-tu la forêt en folie?

 

À la suite, elle pense à sa mère, qui a osé aimer un taureau. Et à la comparaison de son amour insensé, elle révèle sa flamme plus malheureuse sans espoir. C’est la race du Soleil, ennemi de Vénus, déesse d’amour.  Phèdre sait bien qu’elle est maudite et admet sa passion tragique. 

 

La passion pour qui ? Elle ne l’a pas encore avoué. Et pourtant, sa nourrice comprend par intuition sans doute, que c’est Hippolyte, son beau-fils. 

 

Ici  je me demande pourquoi  Sénèque n’a pas crée le dialogue avec la nourrice de la révélation directe. C’aurait été plus dramatique, comme le cas d’Euripide, ou celui de Racine.

 

Mais peut-être l’image de la chasse nous donne-t-elle l’allusion du portait d’Hippolyte, qui est le serviteur fidèle de Diane, déesse chaste de la chasse, quoi que Phèdre elle - même ne s’en aperçoive. Évidemment sa nourrice essaie de lui faire renoncer à son amour immoral, en vain. 

 

Phèdre croit à la force invincible de Vénus qui la vise, et est déjà soumise au pouvoir de l’Amour. Sa nourrice parle de Thésée redoutable, qui puisse revenir des enfers. 

 

   Veniam ille amori forsitan nostro dabit.   225

   Peut-être fera-t-il une faveur à notre amour.

   

La réplique de Phèdre est nonchalante et étonnante. Thésée, roi et père de famille, ne pardonnerait jamais à l’adultère incestueuse de son épouse, malgré ses propres infidélités. Même aujourd’hui, ce serait inimaginable. 

 

Phèdre insiste encore. Elle ne craint ni le refus d’Hippolyte farouche, ni le retour de Thésée, ni rien. Enfin sa nourrice lui cède et va demander à Hippolyte de s’orienter vers l’amour. Hippolyte ne lui prête pas l’oreille. Il possède sa vision idéale du monde, au sein de la nature sauvage, à l’écart de la politique de la ville. Phèdre impatiente s’y précipite soudain et s’évanouit à l’émotion extrême.

 

Hippolyte surpris, la relève dans ses bras. L’action est dynamique, ce qui est interdit à la tragédie de Racine. 

 

   tuus en, alumna, temet Hippolytus tenet.   588

   Vois,  ton Hippolyte te tient, mon amour.

 

C’est la parole de sa nourrice. Le mot “tuus” est impressionnant. Mais ignorant de tout, Hippolyte ne comprend pas la signification cachée . Ayant repris la connaissance, Phèdre regrette d’y être venue. 

 

Mais elle est bien forte, s’ordonne d’avoir  l’audace pour accomplir sa mission passionnelle. Hippolyte, innocent, ne doute rien.  Il l’appelle “mater” et lui propose de confier ses peines à lui-même.  Hippolyte de Racine, distancié de Phèdre, ne le dirait jamais. 

 

C’est cette attitude d’Hippolyte très généreuse et tendre, qui va accentuer sa rage après l’aveu de Phèdre, chez Sénèque. 

 

 

Phèdre commence à déclarer son amour. Mais, chaste et insensible, Hippolyte ne réalise pas la vraie intention de Phèdre. Il croit qu’elle se lamente de l’absence de Thésée et la console, en disant que le roi reviendra très tôt sain et sauf. 

 

Enfin, Phèdre s’exprime de manière différente. Elle superpose l’image de jeune Thésée à Hippolyte. En fait c’est ce qu’elle faisait inconsciemment.

 

   Hippolyte, sic est ; Thesei uultus amo

   illos priores quos tulit quondam puer,   546-547

   Oui, Hippolyte, j’aime les traits de Thésée,

   Ceux de jadis, où il était encore adolescent,

 

L’expression “puer” pour Thésée, lors de son arrivée en Crète, me semble une exagération. Il aurait été plutôt un jeune héros. Mais Hippolyte pourrait se trouver encore dans son adolescence. Le désir physique de la marâtre s’exprime plus directement, ensuite, avec la description de la moustache à peine poussée.

 

Racine a attentivement supprimé cette sorte d’énoncé  à cause de la bienséance, et développé  l’histoire comme une rêverie délirante de Phèdre. Par contre, Phèdre de Sénèque se déclare de plus en plus explicitement. 

 

   in te magis refulget  incomptus decor;

   est genitor in te totus  et toruae tamen   657-658

   Mais la beauté naturelle brille encore plus dans ton visage ;

   Ton père est retrouvé tout entier en toi-même, cependant farouche

 

   te genitor, at me gnatus. En supplex iacet  

   adlapsa genibus regiae proles domus    666-667

   Vois, couchée suppliante à tes genoux,

   La fille de la famille royale se jette

 

   finem hic dolori faciet aut vitae dies.

   Miserere amantis   670-671

   Ce jour mettra la fin soit à ma douleur soit à ma vie

   Aie pitié d’une amoureuse

 

Même Hippolyte, malgré son extrême chasteté, comprend toutes ces mots trop claires. Il devient furieux . Et sa marâtre s’enflamme d’autant plus violemment. 

  

   Et ipsa nostrae fata cognesco domus

   fugienda petimus; sed mei non sum potens.

   Te uel per ignes, per mare insanum sequar

   rupesque et amnes, unda quos  torrens  rapit;

   quacumque gressus tuleris hac amens agar:-

   iterum, superbe, genibus aduluor tuis.   769-773

   Moi-même je connais la fatalité de notre maison

   Nous cherchons ceux qui devrions fuir, mais je ne me maîtrise plus.

   Je te suivrai soit à travers les feux soit à travers la mer en fureur

   À travers les rochers et à travers les fleuves, dont le courant m’emporte

   N’ importe où tu porte tes pas, j’irai insensée

   Encore une fois, cruel, je tombe à tes genoux.

 

La fatalité de la famille du Soleil se répète depuis Euripide jusqu’à Racine. Mais chez Sénèque, la fatalité me semble même donner la force à l'héroïne. L’émotion est excessive, presque  pathologique. Phèdre ici ose toucher le corps  d’Hippolyte. On le comprendra lisant la parole suivante d’Hippolyte.

 

   Procul impidicos corpore a casto amoue

   tactus: - quid hoc est ? Etiam in amplexus ruit ? 

   Stringatur ensis; merita supplicia exigat .

   En impudicum crine contorto caput 

   laeua reflexi: iustior numquam focis

   datus tuis est sanguis, arquitenens dea.   774-779

   Au large! Éloigne-toi de mon corps chaste 

   Ne me touche pas. Quoi donc? Elle se lance pour m’étreindre? 

   Dégageons mon épée; qu’elle subisse la supplice qu’elle mérite 

   De ma main gauche, j’ai tourné sa tête impudique prenant les cheveux

   Jamais le sang aussi juste a été versé à tes autels

   Oh, déesse, la sacrée chasseuse.

 

Hippolyte blesse Phèdre avec son épée. Elle en est réjouie et veut mourir de sa main. Mais Hippolyte a peur de se salir le corps chaste du sang maudit et, s’enfuit abandonnant son épée. 

 

Toutes ces actions sont très corporelles et théâtrales. On dirait du kabuki. Et le personnage de Phèdre est extraordinaire, au sens très différent de celui de Racine.

 

Phèdre de Racine est beaucoup plus abstraite et métaphysique, comme personnage, au-delà du conflit entre l’âme et le corps. Chez Sénèque, tout est concret et direct. Elle aime, donc elle veut tout d’Hippolyte. Elle ne pense plus à rien. Elle ne se demande pas sa raison d’être. 

 

Dieu caché, invisible, de l’âge classique français existe sûrement chez Racine, tandis que chez Sénèque, on a l’impression que les dieux antiques restent certes, mais comme le décor de la scène, et qu’en fait ce sont les êtres humains qui contrôlent la pièce. Au moins on pourrait l’affirmer pour le personnage de  Phèdre.

 

C’est aussi une grande différence de la pièce d’Euripide, où l’on voit réellement les dieux immortels qui manipulent le destin des êtres humains. 

 

Je dis la modernité de Phèdre de Sénèque, car ce personnage se délivre de la contrainte intérieure humaine, toute seule, avec son propre corps. Cela me fait penser à l’image des gens qui vivent avec beaucoup de peine dans ce siècle, très cruel et sauvage, ravagé de la crise de démocratie, de l’épidémie et du réchauffement climatique . 

 

 

Mais il nous faudra voir la suite. Il y aura un coup de théâtre. Voici Thésée retourné des enfers. Et la nourrice avait empoisonné sa maîtresse avec son conseil de dénoncer Hippolyte, pour se protéger.

 

On ne sait aucun conflit intérieur de l’héroïne, si elle en veut à Hippolyte jusqu’à aller se venger, ou qu’elle craint qu’il ne parle aux autres de sa passion adultère. Cette pièce n’est pas du tout psychologique mais dramatique.

 

En tout cas le roi vit encore. La situation a tout changé. Il a l’air lamentable peu  comme Ulysse retourné. Cependant la souveraineté royale est reprise fermement.

 

D’abord la nourrice lui annonce que Phèdre allait se suicider. Ensuite, Phèdre, elle-même, lui dévoile son secret. Au début elle fait semblant de se taire complètement, et pourtant fait allusion à la faute importante qui nuise à sa vie conjugale avec Thésée. Le roi ne peut pas s’empêcher de lui demander les détails concrets.

 

Enfin Phèdre commence à raconter, On sera étonné de son audace et de son égoïsme.

 

   Te, te, creator caelitum, testem inuoco

   et te, coruscum lucis aetheriae iubar 

   ex cuius ortu nostra dependet domus 

   non cessit animus : uim tamen corpus tulit 

   Labem hanc pudoris eluet noster cruor.   888-892

   C’est toi, c'est toi, que j'invoque comme témoin,  

   Ô créateur des dieux du ciel, et toi, astre qui brille et illumine les airs

   D’où descend notre maison 

   Lors de la tentative de la séduction j'´y ai résisté;   l’épée 

   Ne menaçait pas ma volonté et pourtant la violence a atteint à mon corps 

   Ma pudeur outragée veut se laver la honte par mon sang.

 

Thésée est bouleversé. Il lui demande qui est coupable, Phèdre ne lui dit pas son nom, et à la place, lui montre l’épée d’Hippolyte.  Le père la reconnaît tout de suite. Peut- être était-ce lui qui la lui avait offerte.

 

C’est une artifice dramatique bien préparée. Racine va s’en servir pareillement et pourtant il choisira la nourrice comme dénonciatrice, laissant Phèdre dénuée de la bassesse.

 

D’autre part Racine n'a pas écrit que Phèdre était violée réellement, Euripide non plus. C'était seulement la tentative inachevée. Le viol de la marâtre est trop grave et choquant. Bien sûr la tentative est-elle déjà un crime.

 

Le roi veut appeler le prince. Mais il n'est plus au palais. Au comble de la colère, le père maudit le fils, en priant Neptune de l'exiler du monde.

 

Et le dieu de la mer accomplit la prière sur place. On reçoit le messager de deuil du prince. Il raconte sa mort atroce. Un immense taureau a surgi de la mer et attaqué le char d'Hippolyte. Les chevaux affolés dont il s'occupait soigneusement font tomber leur maître, qui va être renversé, frappé partout, et déchiré en morceaux. L'image du taureau monstrueux provient certainement de Minautor de Crète, c'est-à-dire de la race de Phèdre.

 

Juste à ce moment-là Phèdre réagit d'une façon inattendue. Elle avoue tout son crime. Et en même temps, elle blâme Thesée de sa prière mortelle, ce qui nous

étonne encore une fois.Il est vrai que  Thésée manquait de prudence. Mais à qui la faute ?  C'est tout vient de Phèdre.

 

Et elle  se tue avec l’épéed’Hippolyte afin de se consacrer à l'amour immoral pour lui, Le pauvre Thésée reste tout seul comme un père qui a tué son fils innocent et même glorieux.

 

   Hippolyte, tales intuor uultus tuos

   tales que feci ? ...              1168-1169

   Hippolyte, c'est ton visage que je regarde tel quel ?

   C'est moi qui t'ai fait ainsi ?

 

   ... Heu me, quo tuus fugit decor 

   oculique nostrum sidus ? Examinis iaces ? 

   ades parumper uerbaque exaudi mea :-

   nil turpe loquimur : hac manu poenas tibi 

   soluam et nefando pectori ferrum inseram   1173-1777

   Hélas où s'enfuit-elle ta beauté ? 

   Mes étoiles de tes yeux ? Demeures-tu immobile ?

   Viens vers moi un instant et écoute mes paroles

   Je ne dirai plus rien d'odieux : de cette main je vais te venger 

   Perçant mes seins abominables insinuant ton épée

 

On voit ici une sorte de pureté engendrée de l'extrême égoïsme. Sa passion immorale est arrivée à l'essence de l'humanité, c'est presque divin. Je l'apprécie beaucoup.

 

Chez Euripide, il y a une réconciliation entre le père et le fils mourant, par la grâce

d'Arthémis, protectrice d'Hippolyte. Chez Racine, Thésée a adopté Aricie, amante d'Hippolyte et elle sera la héritière de son royaume.

 

Ce  sont des dénouements quand même lumineux. Par contre chez Sénèque, aucun espoir. Mais voilà la modernité, à mon avis.

 

Les dieux immortels antiques n’existent plus. Dieu chrétien est mort depuis longtemps. Et il y a Dieu absolu islamique qui règne une certaine partie des êtres humains. En plus on doit envisager les problèmes de la misère, du droit humain, de l’environnement, enfin de l’avenir de cette planète.

 

Le monde actuel est vraiment chaotique. Les êtres humais doivent lutter contre toutes les contraintes absurdes et inhumaines. Phèdre de Sénèque, est une égoïste absolue mais qui nous donne la force de vivre aujound'hui.

 

nov. 2022